Ami.e.s du Champ secret et du Festival Pliant, l’appel à textes lancé à l’occasion de la 10e édition de cette manifestation qui nous est chère a rencontré un grand succès. Parmi les nombreux poèmes reçus, nous en avons sélectionné quarante-cinq pour l’édition d’un recueil à paraître l’automne prochain. Nous en préparons actuellement la maquette, en accord avec les poètes concerné.e.s. Ce que nous pouvons déjà vous dire, c’est que ce sera très beau !
En voici un avant-goût : cinq contributions particulièrement appréciées de notre jury. Merci aux autrices et auteurs de nous avoir autorisés à les publier dès maintenant.
Bonne découverte !
Petite, mais pas mignonne
Quand je serai petite
petite, toute petite, et un peu vieille aussi
âgée, ratatinée, un peu fanée, mais… pas cassée
Je promets que ce sera le début de la fin
de ma docilité, de ma sagesse, de ma patience aussi
Quand je serai petite, je promets que
je serai terrible, je râlerai, protesterai
pour rien et, surtout, pour tout
Je me mettrai en travers des chemins
vous me trouverez partout
Le grain qui fait dérailler la machine
la chanson qui ridiculise les hymnes
ça sera moi
Je vais bien m’amuser
Carmen Mata
À ma place
Je serai tout petit même quand je serai grand
Sur mes deux pieds qui dansent, tête et corps épaissis
Je suis pourtant debout, on me croirait assis
Dressé sur mes deux jambes comme un délit flagrant
Je serai tout petit même en étant adulte
Le monde me regarde avec condescendance
Je me tiens pourtant droit, on me croit en enfance
Perdu seul parmi vous comme celui qu’on occulte
Je serai tout petit même quand je serai Moi
Semblable, différent au milieu de la foule
Individu pareil aux autres qu’on refoule
Je serai tout petit mais si grand à la fois
Isabelle Giraudot
Quand je serai petit
Plissé par les ans
Tu me prendras dans tes bras
Comme je te porte aujourd’hui
Dans cet îlot d’amour
Où se joignent nos cœurs
Tu plantes tes racines
Pour puiser dans ma force
Ta force de grandir
Et quand tu seras grand
Et moi tout rabougri
Nous pleurerons ensemble
Mes forces qui me quittent
Comme j’ai pleuré de joie
Au jour de ta naissance
Mais rien de tout cela
Ne doit t’épouvanter
Tu verras le bonheur
Si toi aussi
Tu vois
Des petits êtres à naître
Devenir grands aussi
Quand tu seras petit
Nicolas Palmero
Cellule 105 : le long des barreaux
Chandeleur première mouche
du printemps première manche.
Aplanie camouflée gris fiente
la punaise béton patiente.
En piste fourmis de mars
montez la charge.
Une abeille d’or et de velours
rend visite au matin azur.
Le soleil avril luit sur le cloporte
qui bécote l’acier perpette.
Dernier jour de chance le moucheron bercé
entoilé agonie grise d’araignée.
Lumière en mai pirouette coccinelle
défi de joie à toute cette ferraille.
Tiédeur du soir papillons beiges
échos aux nuages.
Je m’évade à mater ces destins minuscules.
Georges Bonnemaison
Déambulations enfantines
Sur le chemin de terre, acrobate,
mes bras en élégants balanciers,
je fêterai
mes premiers pas en toute hâte.
Sur le vert de la clairière, poétesse,
mes mains à hauteur de fourmis,
j’inventerai
des histoires enchanteresses.
Sur le nuage là-haut, sculptrice,
mes yeux illuminés de soleil,
je contemplerai
les formes et figures créatrices.
Sur la colline, diva de l’opéra,
ma voix claire d’enfant,
je chanterai
la vie des cigales en gala.
Et le monde doux sonnera,
et le temps enfantera
les souvenirs heureux
de tous nos jeux.
Virginie Larteau