Nous publions avec ferveur et solidarité ce messsage de l’ami Jean-Luc Ros :
Au nom de l’invisible et du chant
Pour que la République ne devienne pas sourde à sa propre âme
Il est des heures où les chiffres ne sont plus des mesures mais des morsures. Où les colonnes budgétaires se dressent comme des murs entre les vivants et leur voix. Où la ligne comptable devient ligne de fracture. Nous y sommes.
Dans les profondeurs glacées de la technocratie, l’on rature la musique, l’on réduit le chant à un coût, le festival à un poste de dépense, la scène à un encombrant. On retranche, on rabote, on retranche encore, comme si l’invisible n’avait pas de valeur, comme si l’imaginaire ne nourrissait pas les peuples.
Ils réduisent. Nous élargissons.
Ils ferment. Nous ouvrons.
Ils veulent faire taire les voix faibles. Nous sommes le chœur qui se lève.
Car ce qu’ils appellent “ajustement”, c’est l’étouffement des clameurs. Ce qu’ils nomment "réforme", c’est la lente asphyxie des lieux de partage. Ce qu’ils étiquettent “non obligatoire”, c’est ce qui rend la vie habitable. La suppression des aides ? C’est l’effacement programmé des couleurs de l’âme.
La Loire voit s’effondrer ses scènes comme des cathédrales de sons qu’on pille pierre à pierre.
L’Hérault s’agenouille, vidée de sa substance poétique.
La Drôme vacille. Et partout, le feu sacré vacille, miné par la cendre de l’indifférence.
Mais voici que ce soir, le solstice revient avec ses tambours, ses voix mêlées, ses guitares suspendues aux balcons, ce soir, c’est la Fête de la Musique.
Et nous disons : que la fête soit belle !
Belle, non par l’abondance de moyens, mais par la grandeur des âmes.
Belle, non pour masquer les manques, mais pour proclamer notre présence.
Belle, parce qu’il faut célébrer ce qui reste debout quand tout vacille : la beauté, la solidarité, le chant.
Même à bout de souffle, même en réduction, même blessée, la musique est là, et nous avec elle.
Qu’ils sachent pourtant :
Le théâtre brûle encore dans les caves.
La musique se murmure même au fond des silences imposés.
La parole se transmet dans les replis de l’oubli programmé.
Les artistes, les techniciens, les passeurs, tous ceux que l’on voudrait précariser jusqu’à l’effacement, ces être-là, sont la République en acte, celle qui rêve, qui doute, qui se bat, qui espère.
On ne bâillonne pas le cœur d’un peuple.
On ne subventionne pas l’âme au rabais.
On ne cadenasse pas l’éclair.
Et quand bien même ils éteindraient les projecteurs,
quand bien même ils scieraient les tréteaux et briseraient les micros,
il resterait la voix nue.
La voix fragile et invincible.
Celle d'André Malraux, qui faisait de l’art la négation du néant.
Celle de Jack Ralite, pour qui la culture est la condition de l’émancipation.
Celle de Victor Hugo, tonnant : « Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons. »
Celle de Serges Regourd, tissant le droit au rêve comme un droit fondamental.
Nous déclarons solennellement notre insoumission à l’obscur.
Nous refusons la culture amputée, la création diminuée, le pays sans poésie.
Nous dressons nos mots comme des torches,
nos notes comme des semences,
nos scènes comme des places de liberté.
Et nous disons, face à cette régression masquée en rationalité :
La culture n’est pas un supplément d’âme. Elle est l’âme même.
Elle n’est pas une dépense. Elle est une respiration.
Elle n’est pas un luxe. Elle est ce qui nous sauve de la barbarie.
Ce soir, la musique monte des places, des cours, des ruelles.
Ce soir, le peuple chante, contre vents, coupes et marées.
Ce soir, c’est la fête. Et tant qu’il y aura fête, il y aura résistance.
« Il y a une chose plus grande que l’obscurité, c’est l’espérance debout. »
Résistance culturelle, aujourd’hui.
Jean Luc…